Jusqu'à la fin...

Le soleil commençait timidement à percer les épais nuages de la plaine, le givre recouvrait encore les tiges des plantes et les pierres, un silence de mort régnait dans les environs de Gwilherm. Silence uniquement troublé par les pas d'un individu à la carrure massive portant un enfant emmitouflé dans des peaux de bêtes dans ses bras. L'homme a la chevelure blonde marchait la tête haute, comme si le vent du nord n'avait pas d'emprise sur sa personne, vent glacial que seul le regard du guerrier pouvait égaler, car si le corps fonctionnait comme d'ordinaire, le regard balafré lui était vide d'expression, tout comme son visage livide, celui d'une statue de glace sur laquelle plus rien n'avait d'emprise.
Les gardes reconnurent Khrauzer, tenant son fils Sieg dans ses bras et se hatèrent de lui ouvrir les portes. D'ordinaire il les saluait toujours, même si ce n'était qu'un simple signe de la tête ou de la main lorsqu'il était de mauvaise humeur. Sauf que ce n'était pas un jour ordinaire...


L'Aesir traversa la cour jusqu'au locaux du Poing, sans adresser un regard, sans prononcer un son. Il déposa le bambin sur son bureau, appuyant sa tête sur sa main tout en observant ce petit être s'amuser, balançant ses mains en l'air comme s'il tentait d'attraper les étoiles. Toujours rien, Khrauzer avait semble-t'il perdu toute trace visible d'humanité. Comme une marionnette sans ame, il tirait un parchemin, se saisit d'une plume et entreprit de rédiger une note. C'était fini, les mots des deux chamans avaient été clairs, plus aucun espoir n'était permis...néanmoins il préviendrait ses compagnons.


"Membres du Rempart, amis...

Lorsque vous lirez cette lettre je serai loin, pas la peine de me chercher je ne me cacherai pas, je m'en vais pour Conarch où je vais demeurer un moment, le temps qu'il faudra....pas assez longtemps.

Les raisons de ce départ sont difficile à exprimer, tant par les mots que par l'écrit ainsi je serai bref. Mon fils va mourir.
Hier dans la soirée c'est ma soeur qui a remarqué une lueur étrange dans le regard de Sieg, elle ainsi que son ami chaman ont tenté de découvrir le mal qui le rongeait, et la réponse fut la pire, une maladie transmise par sa mère, par le sang, ce sang même que j'ai eu la faiblesse d'épargner. S'ils n'avaient pas été là, Sieg serait déja mort, et je ne m'en serais sans doute pas aperçu. Le diagnostique qu'ils m'ont donné est sans appel, mon enfant a tout au plus une semaine à vivre, et nul remède ne peut l'aider...J'ai aussitôt foncé au chateau, demandé l'aide des plus grands soigneurs de la cour. Chacun d'entre eux m'a confirmé ses dires, le mal qui ronge la chair de ma chair est incurable, tout ce qu'ils ont pu me conseiller c'est de prier.

Mais je ne prierai pas, je ne me prosternerai pas devant ces dieux mesquins et cruels qui jouent avec nos vies, nous observant nous débattre et nous tortiller lamentablement comme de vulgaires insectes. Je ne prierai pas des divinités qui séparent un fils innocent de son père aimant. Il ne me reste qu'une chose...accompagner Sieg dans ses derniers moments, jusqu'au bout. Je le veillerai et me chargerait de recommander son ame une fois le moment venu.

Ne cherchez pas à me joindre, je préfère rester seul...jusqu'à la fin.



Khrauzer. "



Une fois la note rédigée il l'accrocha en évidence puis revint à la fine silhouette qui riait en observant son geniteur. Khrauzer se saisit de Sieg et lui murmura quelques mots "Dis adieu à ces lieux mon fils...si le destin l'avait voulu, ils auraient été les tiens un jour." Puis il tourna les talons et entreprit de rebrousser chemin, la fatigue ne l'atteignait plus, plus rien n'avait d'emprise sur lui. Seuls comptaient ces derniers jours avec le bébé, seul comptait le fait de l'accompagner....jusqu'à la fin....

Lyngail avait erré tard, ce soir là. Et c'est quand elle rentra à Gwilherm, dans la matinée, que les gardes l'interpellèrent.

Dame... Dame Lyngail.
Oui, qu'est-ce qui ne va pas ?
C'est votre second, Sire Khrauzer... Il... Enfin, il semblait étrange, Dame.
Cela lui arrive, mais pourquoi êtes-vous si troublé ?
Et bien... Il était différent, presque inhumain... Et puis, il est allé aux baraquements, y a passé un petit moment et il est reparti, sans dire un mot.
Je vois... Ne vous inquiétez pas davantage, je prends les choses en main.

Elle n'était pas véritablement troublée, cependant, les gardes n'avaient jamais semblé avoir peur de Khrauzer, et c'était surtout cela qui l'inquiétait. Elle se dirigea vers les baraquements sans tarder et découvrit la missive expliquant tout.

Elle la décrocha et alla sur le toit du bâtiment pour laisser la brise la rafraîchir. Elle la lut ensuite, et même si aucune larme ne s'échappa, elle était anéantie. La nouvelle avait l'effet d'une lame transperçant son corps. Elle ne pleurerait pas la mort de cet enfant. Comment l'aurait-elle pu, elle qui s'était bâtie une muraille intérieure emprisonnant tout sentiment ? Néanmoins, elle était profondément affectée par la nouvelle, tentant d'imaginer ce que traversait Khrauzer. Même si elle refusait toute relation sentimentale, elle ne pouvait nier qu'il était devenu un véritable ami, depuis son arrivée au Rempart.

Elle souhaitait le rejoindre pour accompagner son fils avec lui, mais elle avait toujours placé les désir de ses amis avant les siens, et elle savait déjà qu'elle respecterait sa décision. Elle irait sûrement à Connarch, cependant. Elle attendrait la fin, non loin de chez Khrauzer. Elle serait sur place pour l'épauler une fois que tout serait terminé, et elle l'aiderait à donner à l'enfant une sépulture décente. Elle lui devait au moins cela...

Elle releva la tête, observant le soleil qui se levait paresseusement au dessus des cimes de Lacheish. Le vent jouait dans ses cheveux, lui caressant le visage au passage. Ce serait une épreuve difficile, mais elle serait à ses côtés comme il avait su être proche d'elle. Elle l'aiderait autant qu'elle le pourrait... jusqu'à la fin.

Une fois n'est pas coutume, le vieux shemit trainais sur le toit de sa tour d'alchimie. Et, une fois n'est pas coutume, il apercu les gardes qui parlaient a Lyngail, puis cette dernière sur le toit du poing.

Il tira une longue bouffée de sa pipe, et quand Lyng redescendit, il se dirigea vers les locaux du poing.

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Le vieux ne mis pas longtemps a trouver la lettre, que Lyng avait replacée bien en evidence. Il la saisit en silence, la lu en silence, et repartit vers sa tour, toujours en silence.

Sur le chemin, il croisa les gardes, qui avaient un peu peur de lui... comme presque tout le monde... ces derniers se figèrent et le regardèrent passer... avec l'impression singulière d'avoir vu quelque chose de rare.

Le capitaine aurait juré avoir vu le début d'une larme dans l'ombre de la capuche du mage.